15/01/2018 - Reportages

par etienne visart

Bloodhound SSC

entre Formule 1
et avion de chasse !

Depuis la nuit des temps, l’être humain a toujours essayé de battre le record établi par un autre quelques heures ou années plus tôt. Le dernier record d’un véhicule terrestre remonte déjà à l’année 1997, lorsque Andy Green a atteint la vitesse de 1228 km/h. L’objectif que s’est fixée l’équipe du projet Bloodhound SSC est de dépasser 1000 miles à l’heure (1609 km/h) avec un engin mariant les technologies de la course automobile et de l’aéronautique…

par etienne visart

Bloodhound SSC

entre Formule 1
et avion de chasse !

Depuis la nuit des temps, l’être humain a toujours essayé de battre le record établi par un autre quelques heures ou années plus tôt. Le dernier record d’un véhicule terrestre remonte déjà à l’année 1997, lorsque Andy Green a atteint la vitesse de 1228 km/h. L’objectif que s’est fixée l’équipe du projet Bloodhound SSC est de dépasser 1000 miles à l’heure (1609 km/h) avec un engin mariant les technologies de la course automobile et de l’aéronautique…

Longines World’s Best Racehorse

Le bloodhound (limier en français) est un puissant chien de chasse à courre destiné à débusquer et à poursuivre le gros gibier. Dans le cas qui nous occupe, le gros gibier, c’est de franchir la barre symbolique de 1000 miles à l’heure. Selon Andy Green, actuel détenteur du record mondial de vitesse terrestre, dans le monde réel, c’est la limite en termes d’aérodynamique, de réacteur ou de roues pour permettre d’assurer la stabilité d’un véhicule roulant à une vitesse supersonique. Cette valeur symbolique n’est cependant qu’un objectif à atteindre, sans plus. La véritable et profonde mission du projet Bloodhound SSC (SuperSonic Car) est de susciter des vocations auprès des jeunes pour des métiers scientifiques. Le but poursuivi est d’intéresser les nouvelles générations aux carrières liées aux sciences, à la technologie, à l’ingénierie et aux mathématiques en leur faisant découvrir un programme passionnant d’envergure internationale. C’est particulièrement important quand on sait que, depuis plusieurs décennies, le cursus d’ingénieurs attire de moins en moins les jeunes étudiants.

Réunion de talents !

Deux autres projets de battre le record fixé en 1997 par Andy Green étaient également en cours de développement à l’époque: le North American Eagle, aux Etats-Unis, avec l’objectif d’atteindre au moins 800 miles par heure dans un premier temps et l’Aussie Invader, en Australie, avec celui de franchir également 1000 miles par heure, tous dans le courant de l’année 2015. Chaque projet bénéficiait de nombreux soutiens technologiques et financiers en poursuivant des voies un peu différentes. L’équipe britannique du Bloodhound SSC, aventure qui a démarré en 2008, qui est la seule à poursuivre son objectif prévu désormais en novembre 2018 et qui regroupe plus de 75 personnes à plein temps, réunit cependant plusieurs talents qui possèdent, par ailleurs, une longue expérience des records de vitesse sur terre depuis de très nombreuses années.

Longines World’s Best Racehorse

La véritable et profonde mission du projet Bloodhound SSC (SuperSonic Car) est de susciter des vocations auprès des jeunes pour des métiers scientifiques. Le but poursuivi est d’intéresser les nouvelles générations aux carrières liées aux sciences, à la technologie, à l’ingénierie et aux mathématiques en leur faisant découvrir un programme passionnant d’envergure internationale.

Le directeur du projet n’est autre que Richard Noble, entrepreneur écossais de son état, mais aussi détenteur du record mondial de vitesse terrestre de 1983 à 1997 grâce à son engin Thrust2 avec lequel il atteint 1019 km/h. C’est lui qui lance le développement du projet Thrust SSC en 1990, le but étant de franchir le mur du son, mais il considère qu’à plus de 50 ans, il n’a plus les capacités physiques pour le faire. Il rencontre alors, en 1994, Andy Green, officier de la Royal Air Force, qui est plus jeune de 16 ans. C’est ce dernier qui établira le record du monde en 1997 et qui pilotera le Bloodhound SSC en 2018, sa grande expérience de pilote de chasse lui permettant mieux qu’un pilote de course de maîtriser toutes les situations auxquelles il devra s’adapter. Deux autres personnalités sont des pions majeurs dans le développement du projet Bloodhound SSC et collaborent avec Richard Noble depuis plus de 20 ans. Il y a d’abord Mark Chapman, l’ingénieur en chef, grand amateur de voitures et, surtout, ingénieur en aéronautique. Il a travaillé pour Boeing à Seattle (USA) et pour Rolls-Royce plc (division aéronautique) à Bristol (GB) ainsi que sur la conception du système de décollage et d’atterrissage vertical du Lockheed Martin F-35 Lightning II. Il y a aussi Ron Ayers, responsable de l’aérodynamique et doyen de l’équipe. Ingénieur en aéronautique et en aérodynamique, il a travaillé pendant de très nombreuses années pour la British Aircraft Corporation. Sa rencontre avec Ken Norris, le responsable du Bluebird-Proteus CN7 de Donald Campbell (record du monde en 1964 à 648,73 km/h), en compagnie de Richard Noble, sera décisive dans sa nouvelle orientation professionnelle. Sa dernière réalisation fut le JCB Dieselmax qui pulvérisa le record du monde de vitesses pour un moteur Diesel en août 2006 : de 380 à 563 km/h…

DU BLUEBIRD AU BLOODHOUND

Plus de deux cents grosses et petites entreprises des secteurs privé et public, issues de pays très divers, apportent leur expertise au développement du projet Bloodhound SSC. Parmi elles, on trouve l’entreprise suisse de montres de luxe Rolex fondée en 1905 par Hans Wilsdorf. Cela fait plus de 80 ans que Rolex est partenaire de nombreuses activités et manifestations sportives, l’un de ses tout premiers ambassadeurs étant Sir Malcolm Campbell, détenteur de neuf records du monde de vitesses sur terre entre 1924 et 1935. Pour la petite histoire, Sir Malcolm Campbell porta une montre Rolex Oyster, première montre-bracelet étanche née en 1926, de 1930 jusqu’à son décès en 1948, mais n’accepta jamais la moindre rémunération de la marque. Depuis 2013, Rolex est le chronométreur officiel du championnat du monde de Formule1, entre autres.

Longines World’s Best Racehorse

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Partenaire financier du projet Bloodhound SSC depuis 2011, Rolex l’est aussi et surtout sur le plan technologique en développant et en fabriquant deux instruments indispensables pour réaliser ce record du monde: un compteur de vitesses et un chronographe. Cela peut paraître très banal: l’un et l’autre existent depuis plusieurs dizaines ou centaines d’années. Fort de son expérience acquise en franchissant le mur du son en 1997, Andy Green avait des exigences très élevées pour ces deux instruments qui doivent être capables de fournir, quoi qu’il arrive, des informations ultra-fiables sur ce qu’il y a de plus important dans une telle tentative: le temps et la vitesse. «Car tant les aérofreins, les freins à disque des roues, les parachutes que la stabilité du véhicule sont fonction de la vitesse.

À tout instant, je dois savoir avec exactitude à quelle vitesse je roule. En outre, les règles en vigueur pour homologuer un record imposent de faire un aller-retour sur la piste retenue dans le temps imparti, soit moins de 60 minutes». Andy Green avait une autre exigence: un affichage analogique à aiguilles parce qu’il est plus facile à lire. «Ma montre, je la consulte en une fraction de seconde. Lorsque je relève les yeux, mon cerveau a mémorisé la position des deux aiguilles. Avec un affichage numérique, je n’ai pas le temps d’intégrer aussi vite tous ces chiffres pour savoir l’heure qu’il est. Nous sommes par nature des êtres analogiques. Ce n’est pas pour rien que les montres ont encore des aiguilles. C’est ainsi que le cerveau fonctionne.»

En étroite collaboration avec leurs homologues du projet Bloodhound SSC, les ingénieurs de Rolex optent donc rapidement pour deux instruments au cadran analogique et à la configuration électromécanique éprouvée. De grandes marges de sécurité ont été appliquées. Les deux instruments ont été développés selon des critères très stricts pour que les extrêmes variations de température du désert de Hakskeen Pan (Afrique du Sud) et les intenses vibrations inhérentes aux vitesses supersoniques n’affectent ni leur fiabilité, ni leur précision. Ils ont par exemple été testés à des températures de 65° C alors que l’équipe avait fixé la résistance maximale du matériel du cockpit à 50° C. Dévoilées à Bristol en avril 2014, les versions finales du compteur de vitesse et du chronographe ont été accueillies avec enthousiasme par Andy Green et les ingénieurs du projet.

Reste humble

Le Bloodhound SSC est un incroyable bolide de près de 14 mètres de long. Flanqué de deux roues avant fixées à l’intérieur du châssis et de deux roues arrière montées dans des carénages extérieurs, ce concentré de technologie automobile et aérospatiale, aux lignes effilées, avoisine les 8 tonnes lorsque son réservoir est plein. Ses trois moteurs (réacteur, moteur-fusée et moteur à combustion interne) atteignent une puissance cumulée supérieure à 135.000 chevaux, ce qui correspond à la puissance de 180 voitures de Formule 1… Le réacteur est utilisé pour l’accélération initiale jusqu’à 350 miles à l’heure (563 km/h). Le moteur de voiture de course, à combustion interne, sert uniquement à injecter 800 litres de carburant HTP (peroxyde d’hydrogène concentré) dans le moteur-fusée en 20 secondes. Le moteur-fusée à propulsion hybride est donc activé à 350 miles à l’heure pour projeter le véhicule à une vitesse de pointe légèrement supérieure à 1000 miles à l’heure au bout d’environ 7,2 kilomètres et en approximativement 55 secondes. La vitesse est mesurée sur un mile (1609 mètres) situé en milieu de parcours à couvrir en 3,6 secondes seulement. Et à deux reprises en moins d’une heure…

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Rolex a développé et fabriqué pour le véhicule BLOODHOUND SSC deux instruments de première importance pour le record du monde de vitesse terrestre : un compteur de vitesse et un chronographe. Conçus sur mesure pour cet exploit.

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Ces quelques chiffres peuvent paraître complètement ahurissants, mais ne semblent pas émouvoir plus que cela Andy Green qui admet humblement que le travail d’équipe compte plus que le pilote. Même si personne n’a encore jamais atteint une vitesse de 1000 miles à l’heure sur terre, pour lui, pilote d’avion de chasse, ce n’est pas le plus grand défi. Le plus grand défi est tout d’abord l’énorme aventure technologique que cela représente et qui n’est «probable», comme il le dit, qu’aujourd’hui. «Il faut rester humble face aux lois de la physique.» Il y a 15 ou 20 ans, la mécanique numérique des fluides, la technologie des moteurs-fusées à propulsion hybride et toute une série de matériaux de pointe (dont l’alliage d’aluminium 7037 pour les roues qui doivent assurer 10.300 rotations par minute) n’existaient pas. Les nouvelles technologies devraient permettre au véhicule de rester au sol, à sa structure de résister aux chocs, aux moteurs de fournir suffisamment de puissance et à différents dispositifs de freiner et de s’arrêter.

Un cockpit d’avion de chasse.

«En soi, le record de vitesse n’a rien de dangereux, mais le moindre écart est tout de suite fatal. La moindre erreur ou inattention ne pardonne pas. Mon expérience de pilote de chasse habitué à maîtriser la précision, l’exactitude et le contrôle de la vitesse est un atout. Il faut que je me préoccupe de 10, 20 ou 30 choses à la fois, des vents latéraux, des roues, de l’alimentation en énergie, de la température de refroidissement, et j’en passe. Il y a un tas de choses à contrôler.» C’est la raison pour laquelle le poste de pilotage du Bloodhound SSC a été conçu pour Andy Green. Le but était en effet de reproduire son environnement professionnel habituel, c’est-à-dire le cockpit d’un avion de chasse supersonique. Le dessin du compteur de vitesse et du chronographe répond à ses souhaits de pilote, d’où les cadrans aux chiffres blancs sur fond noir et au diamètre typique des instruments aéronautiques. Les deux instruments sont équipés de cadrans rétro éclairés. Très lisibles, ils sont consultables d’un seul coup d’œil, même dans l’obscurité de l’espace confiné du cockpit. Sont ainsi mis en évidence les index et le triangle inversé marquant la position-zéro du chronographe.

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Le cadran aux chiffres blancs sur fond noir du compteur est gradué de 1 à 11 par incréments de 100 miles à l’heure (161 km/h). Une marque spéciale indique Mach 1, la vitesse du son (environ 761 miles à l’heure, soit 1225 km/h, au niveau de la mer). En combinant système de chronométrage et horloge dans un sous-cadran à 6 h, l’autre instrument répond parfaitement à la définition de chronographe, un mécanisme mesurant minutes et secondes. Comme sur une montre mécanique de Rolex, l’aiguille des secondes avance par pas de 1/8e de seconde. La graduation 60 minutes correspond au temps maximal imparti pour effectuer l’aller-retour. Par souci de fiabilité, chaque aiguille du système de chronométrage et de l’horloge dispose d’un moteur indépendant. Au total, l’instrument est donc muni de quatre moteurs électroniques. Au départ, fin 2008, Richard Noble et son équipe pensaient pouvoir mener le projet à bien en 3 ans. Il leur en faudra le triple avant que le Bloodhound SSC fasse ses premiers tours de roues et quelques mois de plus pour tenter de fixer le record de vitesse terrestre à 1000 miles par heure. Le programme de développement au stade actuel prévoit qu’après un essai à 500 miles par heure en novembre 2018, cette tentative sera possible au début de l’année 2019, en plein été en Afrique du Sud, plus précisément dans la zone désertique de Hakskeen Pan, dans la province du Cap-du-Nord. Rendez-vous là-bas ?...

www.bloodhoundssc.com

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