08/04/2020 - Portraits

par Pierre Darge - photos julien mahiels

Geert Noels

Un observateur avec des recettes en poche

Macro-économiste, Geert Noels a fondé la société Econopolis en 2009 en réaction à la crise financière et par volonté de rester un faiseur d’opinion indépendant. Cependant, il est aussi et surtout un fin observateur qui a rassemblé ses conclusions dans deux ouvrages. Le dernier en date, Gigantisme, souligne les risques inhérents aux solutions de facilité – faire tourner la planche à billets de manière intensive, entre autres. Il pointe également les dangers qu’encourent les trop grandes entreprises si elles viennent à perdre la loyauté de leurs clients et de leurs collaborateurs.

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« Mon rôle consiste à faire le guet, observer, tenter d’établir des liens, garder une vue globale et identifier les grandes tendances. »

Geert Noels : « Je suis un privilégié dans le sens où, depuis toujours, je suis payé pour suivre tout ce qu’il se passe et continuer à apprendre : c’est mon travail. Mon rôle consiste à faire le guet, observer, tenter d’établir des liens, garder une vue globale et identifier les grandes tendances. »

En tant que citoyen, n’êtes-vous pas un peu inquiet face à la tendance du gigantisme ?

« Je ne suis pas d’un tempérament inquiet et je refuse de semer l’inquiétude parce que je pense que si nous avons la possibilité de réagir, en qualité de citoyens et d’entrepreneurs, nous avons encore les choses en main. Les changements peuvent être perçus comme une menace mais je sais d’expérience que cette impression disparaît lorsqu’on décide de les accueillir avec enthousiasme. Il suffit de rester un pas devant les autres : vous devenez alors un éclaireur, celui qui avance le premier et qui annonce que, tout compte fait, le parcours semble moins difficile que prévu. Et de nouveau, l’expérience m’a appris qu’en général, on y arrive. De plus, cette position est beaucoup plus agréable que celle du suiveur inquiet, qui se croit incapable de gérer la situation.

La solution revient souvent à corriger l’un ou l’autre élément, sans céder à la tentation de rejeter le système en bloc. Personnellement, je soutiens l’idée de remettre le système sur les rails en agissant de l’intérieur, en créant une prise de conscience et en offrant des clés de compréhension aux gens afin qu’ils puissent prendre des mesures – autant de choses que les économistes font trop peu.

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« Je ne suis pas d’un tempérament inquiet et je refuse de semer l’inquiétude parce que je pense que si nous avons la possibilité de réagir, en qualité de citoyens et d’entrepreneurs, nous avons encore les choses en main. Les changements peuvent être perçus comme une menace mais je sais d’expérience que cette impression disparaît lorsqu’on décide de les accueillir avec enthousiasme. »

Que ce soit à la Banque centrale ou dans le gouvernement, ils ont parfois l’impression qu’il suffit de jouer avec le bouton « taux » ou « masse monétaire » pour inverser la tendance. Cette attitude tient au fait qu’ils occupent une position de force incroyable – qu’ils n’avaient pas auparavant. Cela les a amenés à faire preuve d’une trop grande assurance et cela ne fonctionnera pas. Les excès et les abus progressent et alimentent le gigantisme. J’ai souvent recours à la comparaison avec le sport parce que, comme l’économie, il exige une collaboration entre un certain nombre de personnes. Cette transposition permet de comprendre qu’il ne faut pas condamner le football en tant que sport, mais bien ses excès. Qu’il faut se pencher davantage sur les règles du jeu, l’attitude des joueurs et l’arbitre. Le caractère reconnaissable de certains phénomènes amène les gens à conclure qu’il est possible de récupérer le contrôle sur le jeu. »

En tant qu’individus, nous nous sentons souvent tout petits et impuissants face aux géants.

« C’est possible, mais les géants sont aussi très vulnérables en raison de leur taille – et s’ils s’écroulent, le sort de plusieurs milliers de personnes devient incertain. C’est ce qui explique le concept ‘too big to fail’ : lorsque ces mastodontes se retrouvent en difficulté, l’Etat et les syndicats leur apportent spontanément leur aide et allongent inutilement leur agonie. Alors qu’en réalité, ce n’est pas nécessaire : si on laisse simplement tomber un grand arbre, il offrira de la place pour le développement de nouvelles petites pousses.

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« ... si on laisse simplement tomber un grand arbre, il offrira de la place pour le développement de nouvelles petites pousses.»

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« Nous ne pouvons pas sous-estimer le pouvoir de l’individu parce qu’il apporte un message d’espoir immense. »

Comment le citoyen peut-il jouer un rôle à cet égard ?

« Des petites interventions sont parfois suffisantes : la réintroduction de quelques loups dans le parc national de Yellowstone a rétabli l’équilibre naturel et entraîné une augmentation phénoménale de la biodiversité. On pense toujours qu’il faut répondre aux grands problèmes par des interventions encore plus grandes, alors qu’il suffit de faire confiance au pouvoir de quelques jeunes loups – c’est-à-dire les créatifs, les jeunes entrepreneurs, les rebelles et les nouvelles recrues qui veulent tout à coup une autre manière de faire. Ils sont partout dans la génération qui arrive, chez les designers ou parmi ceux qui croient obstinément à une approche différente et inspirent à leur tour d’autres personnes. Nous ne pouvons pas sous-estimer le pouvoir de l’individu parce qu’il apporte un message d’espoir immense.

AB Inbev détient 33 % du marché de la bière, mais jetez un œil sur le cours de l’action et vous remarquerez que les choses se compliquent. Comme le groupe a racheté des brasseries locales un peu partout, toutes les bières goûtent à présent la Stella ou la Jupiler ; il y a donc eu un appauvrissement au niveau du choix. Et soudain, à Lierre, à Bruges ou à Liège, on voit émerger des micro-brasseries qui remettent à l’honneur des bières aux saveurs spécifiques. Dans d’autres domaines, le changement vient de blogueurs, d’informaticiens qui lancent leur app ou de créateurs qui veulent travailler autrement et qui lancent des petites solutions en faveur du climat. Face à eux, un géant est impuissant parce que son système tout entier repose sur la notion de « grandeur » et que les petites initiatives correspondent mieux aux besoins locaux. Sauf si le géant en question parvient à se réinventer en permanence, pour préserver le lien avec le local.

Une grande entreprise n’est pas un géant par définition, elle ne le devient que si elle perd le contact avec ses clients et ses collaborateurs. Des entreprises peuvent très bien prendre beaucoup d’ampleur mais réussir à maintenir de bons liens entre la direction, les collaborateurs et les clients – entre autres en décentralisant ou en fragmentant une grande structure en plusieurs éléments plus faciles à gérer.

La Suisse est un bel exemple : la direction est centralisée, mais la gestion est décentralisée, aussi bien au niveau cantonal que communal. Regardez aussi ce qu’il se passe chez Colruyt : la direction reste très à l’écoute des collaborateurs, qui peuvent devenir actionnaires de l’entreprise pour laquelle ils travaillent.

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« ... Je pourrais également citer BMW, le constructeur automobile dont je suis l’ambassadeur, qui tient compte de la nécessité d’avoir à la fois une masse critique et un lien avec chaque client. Son but n’est pas de proposer un produit de consommation de masse mais un produit individuel. Ce n’est pas un hasard si BMW est une entreprise familiale. »

Je pourrais également citer BMW, le constructeur automobile dont je suis l’ambassadeur, qui tient compte de la nécessité d’avoir à la fois une masse critique et un lien avec chaque client. Son but n’est pas de proposer un produit de consommation de masse mais un produit individuel. Ce n’est pas un hasard si BMW est une entreprise familiale.

J’aime aussi établir un parallèle avec les clubs de haut niveau qui évoluent en Champions League ; ils doivent vraiment faire attention à ne pas grandir au point de perdre la loyauté des joueurs et d’arriver à une situation où le fait de disputer un match pour Chelsea ou Madrid n’aurait plus d’importance. Si ces clubs perdent aussi la loyauté de leurs supporters, cela peut aller très vite. Je suis allé voir plusieurs matchs à Barcelone et j’ai remarqué qu’il y a dix ans, le club était encore essentiellement soutenu par des supporters catalans, alors qu’aujourd’hui, on trouve énormément de touristes dans les tribunes. Pour moi, c’est une évolution dont il faut se préoccuper.

L’avidité n’est-elle pas à l’origine du gigantisme ?

« Cette affirmation est trop réductrice. L’avidité joue évidemment un rôle – il en a toujours été ainsi parce que c’est un trait de l’être humain. Cependant, le gigantisme peut apparaître lorsque les nombreux éléments qui permettent de contrôler l’avidité sont abandonnés un à un. Dans mon livre, je fais référence à Adam Smith qui, au 18e siècle déjà, mettait ses contemporains en garde en affirmant que le capitalisme et le libre-échange étaient d’excellentes idées à condition de surveiller un certain nombre d’aspects. Son premier ouvrage, The Theory of moral sentiments, était donc un écrit philosophique qui prenait pour point de départ la nature de l’être humain et la façon dont il fonctionne. Comme il est impossible de faire disparaître les défauts humains, il faut essayer de les gérer. La Chine ne voit pas les ambitions personnelles d’un bon œil et tente par conséquent de les réprimer, entre autres en utilisant des moyens techniques. Je ne crois pas à cette méthode parce que je suis un partisan des systèmes libéraux fondés sur la liberté. Il faut faire en sorte que les règles fondamentales soient respectées en gérant et en prenant soin de ces systèmes. Adam Smith soulignait entre autres l’importance de la concurrence en pointant le danger des lobbys ou des monopoles et prônait le maintien d’une distance suffisamment grande entre le politique et les entreprises. Si votre proximité avec le monde politique détermine votre succès, c’est fatal pour le système économique parce que, vu l’influence du politique sur les règles, vous gagnerez – comme en football. Tous les grands clubs de Champions League déterminent qui siège à la FIFA et sont également proches des arbitres ; par conséquent, les petites équipes sont désavantagées. Il en va de même dans l’économie. Les frustrations des gilets jaunes s’expliquent aussi par le fait que certaines personnes ne se sentent pas en sécurité. »

Qui est capable de faire respecter ces règles ?

« Chacun de nous, mais aussi les bons responsables politiques, à qui nous devons régulièrement rappeler l’importance d’avoir de bonnes règles. Je ne veux pas donner une mauvaise image des politiques, je pars encore et toujours du principe que leurs intentions sont bonnes mais ils perdent souvent de vue qu’il serait préférable de réformer certaines règles.

Dans le monde économique, je vois très peu de personnes s’impliquer dans la partie et oser dire, parce qu’elles aiment justement le jeu, ‘si nous ne changeons pas cette règle, le jeu est fichu’. Nous avons besoin de ce genre de personnes. »

Pouvez-vous citer des exemples ?

« Il y en a trop peu. Je vois trop de techniciens dans l’économie et trop peu de courage moral. De plus, les techniciens n’aiment pas vraiment le jeu. L’un des chapitres de mon premier livre, Econoshock, était consacré au climat : dix ans plus tard, force est de constater qu’il y a toujours très peu d’efforts pour faire bouger les choses, alors que si tous les joueurs réunis sur le terrain le voulaient, la solution serait en vue.

Par exemple, si vous expliquez qu’il faut réduire les émissions de CO2 pour gagner, la créativité sera mobilisée pour trouver une solution. On peut encourager tout le monde à apporter sa pierre à l’édifice. Une forme de taxe CO2 mondiale, une taxe carbone sur le transport, inciterait à produire local. Tout ce que nous importons de Chine a un certain « poids » de CO2 et choisir des marchandises chinoises se fait au détriment de la production locale. Pour jouer le jeu honnêtement, nous devons compenser ces émissions de CO2 supplémentaires, y compris celles du transport. Si nous commençons à réfléchir à notre véritable empreinte, qui peut être calculée avec précision, nous pourrions amener un rééquilibre.

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« Je ne suis ni accro à la voiture ni à la vitesse, mais je roule en BMW depuis des années et j’apprécie le secteur automobile – il est le seul, avec la défense, à réunir toutes les technologies et toutes les innovations. Si le courant passe bien avec BMW, c’est aussi parce que c’est une entreprise familiale et que j’aime ce genre d’entreprise. De plus, ils sont authentiques et ont fait une série de choix auxquels ils ne dérogent pas. Ils misent sur la qualité et l’associent à des normes éthiques. Ils sont tournés vers l’avenir et optent pour la connectivité, la conduite autonome, le partage de véhicules et l’électrification.»

L’acheteur craint souvent le supplément de prix d’un produit plus écologique.

« C’est possible, mais c’est aussi oublier d’où l’on vient. Beaucoup de choses sont devenues extrêmement bon marché et le pourcentage qu’elles représentaient dans nos dépenses a diminué. Quand j’ai acheté mon premier ordinateur en 1984, il coûtait 45 000 francs, alors qu’une voiture en coûtait 150 000. Aujourd’hui, le prix d’un PC ou d’un Mac est resté plus ou moins le même, mais les performances informatiques ont été décuplées. À l’époque, cet achat représentait un investissement qui demandait réflexion, mais il était indispensable pour rester à jour. Vous investissiez dans votre avenir, c’était un état d’esprit.

À l’heure actuelle, vous pouvez investir dans des panneaux solaires pour votre habitation, dans une meilleure isolation, une pompe à chaleur, voire une petite éolienne. De fait, la facture est élevée, mais il s’agit d’un investissement nécessaire pour obtenir un meilleur rendement et une meilleure valeur de revente d’ici 20 à 30 ans. Si nous n’expliquons pas sans relâche aux gens qu’ils ne doivent pas y voir une menace, la peur ne disparaîtra jamais. Nous devons juste avoir le courage d’expliquer certaines situations pour faire comprendre que de tels investissements sont essentiels.

Malheureusement, nous avons créé une attitude qui consiste à ne plus vouloir entendre ces messages. La plupart des gens font cette erreur, ce qui est très stupide : vous ne changez pas de médecin parce qu’il vous annonce une mauvaise nouvelle – sinon, la maladie finit par vous rattraper. Ne donner que des bonnes nouvelles est l’essence même du populisme, que l’on retrouve chez de nombreux responsables politiques – ils n’osent pas dire que le vieillissement de la population va coûter extrêmement cher – ou dans les banques centrales – qui pensent que faire tourner la planche à billets va résoudre le problème. C’est là du populisme pur et simple parce que le raisonnement est tout à fait absurde. On ne peut pas résoudre le problème climatique en augmentant la masse monétaire, mais personne n’ose se lever pour le dire. »

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Econopolis préfère-t-elle la durabilité à la recherche du profit maximal ?

« Il est faux de croire que s’engager en faveur de la durabilité exclut la possibilité d’un profit maximal. C’est comme demander à des footballeurs ‘pensez-vous que vous ne pouvez pas gagner si vous choisissez d’être fair-play ?’. Barcelone a évolué vers un plus grand fair-play alors que Madrid était une équipe plutôt agressive (c’est en train de changer grâce à Eden Hazard). Au fil des ans, certaines équipes ont de moins en moins de cartons jaunes, alors que d’autres en reçoivent de plus en plus – tout dépend de la culture du club, des joueurs et de l’entraîneur. En fin de compte, c’est toujours une question de choix : pensez-vous que vous avez besoin d’un jeu agressif pour remporter la victoire ou que vous pouvez aussi conquérir les arbitres et les supporters grâce à votre fair-play, en gagnant tout de même de nombreux matchs ?

Selon moi, il y a aussi de la place dans le secteur financier pour des entrepreneurs qui promettent un retour sur investissement, mais commencent à réfléchir à la durabilité et à faire des placements qui vont ‘dans le bon sens’. Rien n’indique que cette stratégie est moins rentable à long terme. »

D’où votre lien avec BMW ?

« Je ne suis ni accro à la voiture ni à la vitesse, mais je roule en BMW depuis des années et j’apprécie le secteur automobile – il est le seul, avec la défense, à réunir toutes les technologies et toutes les innovations. Si le courant passe bien avec BMW, c’est aussi parce que c’est une entreprise familiale et que j’aime ce genre d’entreprise. De plus, ils sont authentiques et ont fait une série de choix auxquels ils ne dérogent pas. Ils misent sur la qualité et l’associent à des normes éthiques. Ils sont tournés vers l’avenir et optent pour la connectivité, la conduite autonome, le partage de véhicules et l’électrification. Je suis en première ligne pour suivre cette évolution passionnante, sans devoir me mêler de leur cuisine interne. Je suis un observateur et un admirateur qui n’hésite pas à poser des questions critiques. »

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Fait singulier, vous aimez aussi voler.

« Tout vient de mon intérêt pour la technologie. Le paradoxe lié à l’aviation, c’est qu’il s’agit d’un univers très complexe et riche en défis, mais organisé de façon à ce que tout soit simple et à ce que les erreurs soient rares – c’est absolument fantastique. Cette approche est également utile dans le cadre de ma société financière, lorsqu’il faut adopter des mesures et éviter des erreurs grâce à la mise en place de procédures. Dans l’aviation, les principaux facteurs qui permettent d’éviter les erreurs sont en effet les procédures et l’attitude du pilote – ceux qui n’ont pas la bonne attitude ne réussissent pas les examens.

Je pilote un monomoteur DA40NG et un bimoteur Diamond DA 42, deux appareils d’un constructeur autrichien qui a seulement commencé ses activités dans les années 1990 mais qui possédait déjà une solide expérience dans le vol à voile. Sur le trajet Anvers-Francfort, le premier consomme 7 à 8 litres aux 100 km – en fonction de la vitesse. Avec quatre personnes à bord et à une vitesse de 250 km/h, cela ne fait même pas 2 litres/100 km par personne et la distance de vol est 30 % plus courte que celle par route. Le bimoteur consomme un peu plus, mais pas tant que ça.

Je suis néanmoins conscient des émissions produites par l’aérien : à haute altitude, les traînées de condensation des gros avions ont un impact sur le climat. Par conséquent, ce secteur devra aussi faire de grands efforts. Les appareils en cours de développement diminueront la consommation de plus de 50 % et les passagers devront payer une taxe CO2 mais voler ne deviendra pas trop cher pour autant. L’aviation ne disparaîtra pas, bien au contraire, car il ne faut pas oublier qu’elle existe fondamentalement pour connecter les humains. En découvrant d’autres lieux, les gens se rendent souvent compte que la menace imaginée ne correspond guère à la réalité. C’est essentiel pour préserver la paix. »

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