Sensualité concrète et impalpable
Bentley & Lalique
Que peuvent bien avoir en commun un solide constructeur automobile anglo-allemand tout haut de gamme et un producteur helvético-français de fragiles objets en cristal ? Bentley et Lalique nous procureront une réponse pertinente à la suite d’un test drive avec le modèle Flying Spur sur la romantique et panoramique Schwarzwaldhochstraße, serpentant entre la Forêt Noire et l’Alsace.
Rouge, verte, grise : Bentley a aligné trois Flying Spur sur un parking privé à l’aéroport de Stuttgart, capitale automobile proche du royaume des Porsche et Mercedes. Les élégants bolides dégagent une sensualité rare sous un ciel pourtant lourd et gris. Le modèle rouge attire particulièrement le regard : il s’agit du modèle le plus sportif de la gamme : la nouvelle Flying Spur W12 S. Pour Crispin Marshfield, chef du design carrosserie de Bentley, les flancs sportifs de ce modèle, la disparition des détails extérieurs en chrome, notamment sur les jantes, sur la calandre et autour des phares ronds, le rendent immédiatement reconnaissable par rapport aux autres modèles Flying Spur lancés depuis 2013.
Les caractéristiques d’élégance, de raffinement et de sportivité se prolongent d’ailleurs à l’intérieur du véhicule où des technologies modernes côtoient l’artisanat traditionnel. La moquette au sol est épaisse, les cuirs sont agréables au toucher. Le tableau de bord se veut convivial pour ne pas trop intimider son pilote qui déplacera ce bolide de près de 2,5 T avec une grande facilité.
Cette W12 S de 6,0 litres de cylindrée mue par deux turbos culminant à 635 ch démarre tout en douceur. Si on le veut. Car quelques minutes à peine après le départ, une autoroute dégagée permet de libérer le démon qui sommeille sous son capot et permet aussi de passer de 0 à 100 km/h en 4,5 secondes. On enfonce donc la pédale des gaz. La boîte automatique fait son travail sans à-coups. Et l’absence de limitation de vitesse sur plusieurs tronçons d’autoroute en Allemagne n’incite pas vraiment à la retenue. Rarement conduite sportive se révèle-t-elle avec autant d’authenticité dans un environnement dominé par le de luxe et le confort.
C’est aussi le cas pour les passagers avant et arrière installés sur des fauteuils individuels, dont on peut incliner le dossier et l'assise. Ils peuvent même s’y faire dorloter le dos et le popotin. L'installation multimédia permet de visionner un programme choisi, et une tablette ergonomique, de poser livre ou ordinateur. Température, visibilité, isolation sonore, acoustique intérieure : tout ici mérite une grande distinction.
Au passage, notons que le prix de base cette petite merveille est de 182.500 euros. La version testée, elle, revenait à 228.270 euros.
Forêt Noire
Mais voilà qu’après l’autoroute, les méandres de la superbe Schwarzwaldhochstraße avec ses paysages et panoramas à couper le souffle, s’offriront bientôt à nous pour rejoindre Wingen-sur-Moder en Alsace et sa Villa Lalique. Et c’est là que s’expliquera le rapport entre le solide bolide et le fragile cristal. Bentley et Lalique multiplient avec mesure mais détermination, des initiatives avec des partenaires haut de gamme de l’art de vivre. Bentley avec la parfumerie, l’horlogerie, la maroquinerie ou le ski. Lalique, avec la parfumerie, la gastronomie, l’hôtellerie…
Vous l’aurez remarqué : les deux Maisons sont actives dans le monde du parfum. Elles ont donc décidé d’ajouter depuis quelque temps déjà, l’automobile pour l’un, et le cristal pour l’autre, à la liste de leurs partenariats respectifs. Et cela a abouti en 2017 au lancement d’un projet tout haut de gamme. Après le test drive avec la toute récente Flying Spur W12 S, il nous faut donc à présent nous familiariser avec l’univers Lalique.
Hôtel du cristal
Dès l’entrée de la Villa Lalique, le ton est donné. Dans cette maison construite en 1920 par le fondateur, et longtemps occupée par lui et ses descendants, ont pris place aujourd’hui six suites d’un luxe rarement égalé même dans des hôtels cinq étoiles. Tout y reflète l’esprit, le talent et le style de René Lalique.
René Lalique naît en 1860. Il entre en apprentissage chez un bijoutier-joaillier parisien tout en fréquentant l’École des Arts décoratifs. Reconnu pour son talent par des Maisons comme Cartier ou Boucheron, Lalique s’installe à son compte en 1885 en reprenant l’atelier d’un confrère bijoutier. Il multiplie les matériaux et les ateliers et remporte un vif succès auprès des femmes du monde. L’actrice Sarah Bernard figure parmi ses plus fidèles clientes.
Quand René Lalique participe à l’Exposition Universelle de Paris en 1900, ce sera l’apothéose de sa carrière de bijoutier. En 1905, il ouvre alors une boutique 24, place Vendôme où il proposera non seulement des bijoux, mais aussi des objets en verre réalisés dans son atelier de Clairefontaine.
D’abord le verre
Séduit par ses flacons, le parfumeur François Coty, va lui proposer en 1907 de mettre son talent au service de la parfumerie. Maître joaillier de l’Art Nouveau, René Lalique deviendra très vite le maître verrier de l’Art déco. Pour la première fois, grâce à sa collaboration avec Coty, des parfums seront présentés dans des flacons attractifs à des prix abordables.
Lalique multiplie ensuite les créations pour la parfumerie et s’oriente vers le travail du verre industriel auquel il finira par se consacrer entièrement. En 1921, au cœur d’une région de tradition verrière ancienne, il crée alors la Verrerie d’Alsace à Wingen-sur-Moder, qui est aujourd’hui encore, la seule manufacture Lalique au monde.
On le sait peu, mais, René Lalique lui-même n’a donc jamais travaillé le cristal. C’est son fils Marc qui décidera de remplacer la production en verre par celle du cristal, à la mort de son père en 1945. Mais le style Lalique lui, était bel et bien fixé à jamais. Dans le travail du verre, son style s’exprimait essentiellement par ce qui deviendra le célèbre contraste verre transparent – verre satiné. Ce sera aussi le cas avec le cristal.
Après avoir décoré les salons de couture de la créatrice de mode Madeleine Vionnet, conçu des portes en verre pour le prince Yasuhiko Asaka à Tokyo ou la fontaine qui orna un temps la galerie des Champs-Elysées, René Lalique avait aussi participé en 1935 à l’aménagement de l’immense salle à manger des premières classes sur le Paquebot Normandie. C’est cette année là aussi, que le fondateur ouvre une boutique Lalique 11 rue Royale à Paris, une boutique qui est toujours là aujourd’hui.
Luxe expérientiel
En 2008, Art & Fragrance, groupe suisse dirigé par Silvio Denz, reprend la Maison. A son initiative, la Villa toute proche, construite par René Lalique accueille donc aujourd’hui un hôtel 5 étoiles et un restaurant gastronomique 2 étoiles au Guide Michelin.
La conception du restaurant et de la cave à vins est signée Mario Botta, architecte suisse de renommée internationale. Le chef Jean-Georges Klein signe lui, les créations culinaires du restaurant, tandis que les dégustations de vins dans la cave ont lieu sous la houlette de son sommelier Romain Iltis qui vous fait découvrir des perles parmi les vins d’Alsace.
Le clou
Mais avant de goûter aux délices de Klein et Iltis, il nous restait à découvrir le clou 2017 de la collaboration Bentley et Lalique, une collaboration née en 2013, l’année de sortie de la première Flying Spur.
L'histoire de Lalique était déjà intimement liée, à celle de la parfumerie. D’abord avec la collaboration Lalique-Coty au temps du fondateur et ensuite à partir de 1992, quand la petite-fille de René Lalique, Marie-Claude, fille de Marc Lalique, créa le premier parfum "Lalique de Lalique".
Lalique for Bentley Black Cristal Edition, dont seulement 12 exemplaires sont numérotés et certifiés, est aujourd’hui un sommet dans la collaboration entre Lalique et Bentley. Le flacon à l’effigie de l’iconique « Flying B » de Bentley Motors est en cristal noir, le cristal le plus précieux, le plus coûteux, le plus rare et le plus difficile à produire. Ses ailes sont patinées au platine.
Autant dire : un flacon de collection. L’achat du parfum comprend d’ailleurs un dîner et une nuit à la Villa Lalique. Le prix ? 20.000 euros.
Le nez de ce parfum est Dorothée Piot qui a notamment signé Angel Eau Sucrée pour Thierry Mugler. Elle a ici opté pour la Pomme et la Bergamote en notes de tête; pour les Rose, Prune, Cèdre Atlas et Papyrus en notes de cœur; et pour les Patchouli, Fève de tonka, Bois de santal, Ciste, Vanille, Cèdre de Virginie et Cuir en notes de fond.
Et ça sent tout simplement bon. A ce prix-là, on s’en réjouira.
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