RENAISSANCE D'UN BOLIDE MYTHIQUE
ROLLS-ROYCE SILVER WRAITH WZB29
PREMIÈRE ROLLS-ROYCE D'APRÈS-GUERRE, CONSTRUITE DE 1946 À 1959, LA SUBLIME SILVER WRAITH A FAIT DE NOMBREUSES APPARITIONS À L'ÉCRAN POUR DEVENIR, EN SON TEMPS, LA FAVORITE DES TÊTES COURONNÉES. C'EST AU DÉTOUR D'UNE EXPERTISE IMMOBILIÈRE QUE MICHEL COLATRUGLIO DÉCOUVRE CETTE BELLE ANGLAISE DANS LE GARAGE D'UNE PROPRIÉTÉ VAUDOISE. UNE AUTOMOBILE QUI, JADIS, VÉHICULAIT WINSTON CHURCHILL ET D'AUTRES ILLUSTRES PERSONNALITÉS.
Née en 1904 de la rencontre de deux hommes aux talents complémentaires, l’ingénieur Henry Royce et l’aristocrate Charles Rolls, la société Rolls-Royce a toujours été synonyme de distinction, de raffinement et de qualité exceptionnelle. Son célèbre slogan Best car in the world reflète l’exigence et le principe édicté par Royce: « Chercher la perfection dans tout. » Et c'est peu dire lorsque l'on pose le regard sur cette Silver Wraith de 1946 qui, depuis qu'elle a été découverte par Michel Colatruglio à Glion sur Montreux le 9 avril 2014, renaît peu à peu de ses cendres. Soumise à un travail de restauration titanesque entre les mains expertes de David Twaites du garage Restocar à Chailly sur Montreux, elle a entamé sa cure de jouvence finale à Bulle à l'heure où nous rédigeons ces lignes.
HEUREUSE SURPRISE
Intrigué par la découverte de la belle endormie, Michel Colatruglio – entretemps le 3e propriétaire du véhicule - s'attèle à contacter le Club Rolls-Royce à Londres, qui gère les archives de la marque, et lui transmet les informations nécessaires à l'authentification du bolide. « Le numéro de moteur correspondait au numéro de châssis, et toutes les pièces étaient d'origine. J'ai ensuite écrit au Service des Automobiles à Genève pour obtenir un duplicata du permis de circulation annulé le 29 octobre 1980 et la certification que l'automobile ait bien appartenue à Emery Reves » confie-t-il.
Mais qui est au juste Emery Reves ? Cet Hongrois d'origine, licencié en économie politique de l'Université de Zurich, fonda dès 1930 deux compagnies d'édition à Paris et Londres qui devinrent des points d'observation attentifs des événements internationaux. Malgré ses publications de documentation contre le nazisme, il échappa à la Gestapo à trois reprises. En 1937, il se lie d'amitié avec Winston Churchill pour diffuser ses articles et devenir son agent littéraire. Suite à la nomination de ce dernier au poste de Premier ministre, Reves quitte la France et s'installe à New York en 1941, où il participe à la propagande britannique et travaille comme journaliste, une activité qu'il poursuit en Europe après la guerre.
Nous avons entrepris une restauration complète, mais avons souhaité garder ce brin de 'patine' ancienne. Nous avons préservé tout ce que nous pouvions, dont les sièges qui sont de réels témoins du passé. Comme il s'agit d'un des premiers modèles d'après-guerre, nous avons encore affaire à un véhicule artisanal, qui témoigne de l'intervention humaine jusque dans les moindres détails. Nous nous sommes surtout rendu compte de la qualité de construction de l'époque, qui est réellement époustouflante.
l fait fortune en négociant avec des journaux et magazines la publication et les droits des mémoires de grands leaders de guerre tels que Montgomery, Eisenhower et bien sûr Churchill. Il se prend d'affection pour la Riviera vaudoise et la Côte d'Azur, acquiert plusieurs propriétés dont en 1953 sa résidence principale, la villa La Pausa à Rocquebrune, construite par le Duc de Wellington pour sa maîtresse Coco Chanel sur les hauteurs de Monte Carlo. C'est là qu'il accueillera les grandes personnalités de ce monde pour des séjours de détente et des fêtes, dont le Duc de Windsor, le Prince Rainier et la Princesse Grace de Monaco, le Général de Gaulle, Konrad Adenauer, Somerset Maugham, Aristote Onassis, ou encore Greta Garbo, Errol Flynn et Clark Gable. Des invités qu'il s'agira de véhiculer… en Rolls-Royce Silver Wraith ! Une glorieuse époque, minutieusement documentée et immortalisée par le photographe Edward Quinn.
CHURCHILL, CE GRAND HOMME
Mais revenons à Winston Churchill qui, dès 1946, s'est retiré quelques années de la politique intérieure pour effectuer de nombreux voyages à l'étranger, dont à Montreux et Zurich, ville dans laquelle il prononce son fameux discours sur les « Etats-Unis d'Europe » qui entrera dans les annales. Un esprit visionnaire qui ébauchait déjà la future Union européenne, une intervention considérée comme le réel point de départ du mouvement d'opinion en faveur de l'Europe unie d'après-guerre. Au terme de son deuxième mandat de Premier ministre, il passera de longues périodes à la villa, qu'il appelle affectueusement "Pausaland", en compagnie de secrétaires, d'un majordome et d'un garde du corps. Entre 1956 et 1960, il séjournera pas moins de 400 jours sur la Côte d'Azur, heureux de s'asseoir aux côtés de Wendy Reves sous un parasol et de s'adonner à la peinture, une activité qui l'apaise et lui permet de pallier à ses crises de dépression régulières. Parmi les quelques 530 toiles peintes au cours de sa vie, les scènes de paysages impressionnistes réalisées à "La Pausa" montrent combien il se sentait bien en ces lieux. Une collection de peintures et de memorabilia est d'ailleurs conservée dans la collection Reves au Dallas Museum of Art.
LA SILVER WRAITH WZB29
Comme déjà mentionné, tous les invités d'Emery et Wendy Reves étaient véhiculés à bord de la fameuse Rolls-Royce Silver Wraith. Il est donc temps de s'attarder sur cette automobile exceptionnelle. Dotée d'un moteur 6 cylindres, d'une robe noire W142 (modèle Sports Saloon) et d'un châssis livré le 12 décembre 1947 par Rolls-Royce Ex Works à la carrosserie Park Ward, l'Anglaise a enfin pu être livrée à son propriétaire, le Baron Louis-Marie-Charles-Adolphe Vanderheiden, Président-Directeur général de la Compagnie Royale Asturienne des Mines et Commandeur de l'Ordre de la Couronne de Belgique, le 17 juin 1948 au terme des tests habituels effectués en Grande-Bretagne. Le 15 juillet 1948, elle entame un ultime voyage via SS Autocarrier pour être livrée au concessionnaire Franco-Britannic Autos Ltd à Paris. Le 26 juillet 1949, le concessionnaire délivre enfin le certificat de propriété à la Baronne Vanderheiden à Hauzeur. Au décès du Baron le 21 février 1952, la voiture est vendue à Emery Reves. Les documents établis par les douanes suisses témoignent de l'importation du véhicule le 16 décembre 1954 à Genève, qui se voit assigner le numéro d'immatriculation GE 50941 le 25 mai 1955.
A l'origine, la Silver Wraith WZB29 avait été équipée d'options spéciales telles qu'un compteur de vitesse indiquant les kilomètres, des phares spéciaux en accord avec les règlementations françaises, un interrupteur séparé sur le tableau de bord permettant d'actionner le phare antibrouillard central, une 2e roue de secours, une colonne de direction agrandie de 2 pouces par rapport à la dimension standard et finalement un réservoir de carburant verrouillable.
ENTRE DES MAINS EXPERTES
David Twaites du garage Restocar à Chailly sur Montreux, ainsi que la carrosserie Nyfeler à Bulle ont réussi le coup de maître de redonner une seconde jeunesse au bolide. Des équipes d'artisans enthousiastes, dont deux apprenties, ont ainsi pu se consacrer à ce beau projet, l'occasion pour les aînés de transmettre leur savoir-faire à la jeune génération.
« Nous avons entrepris une restauration complète, mais avons souhaité garder ce brin de 'patine' ancienne. Nous avons préservé tout ce que nous pouvions, dont les sièges qui sont de réels témoins du passé. Comme il s'agit d'un des premiers modèles d'après-guerre, nous avons encore affaire à un véhicule artisanal, qui témoigne de l'intervention humaine jusque dans les moindres détails. Nous nous sommes surtout rendu compte de la qualité de construction de l'époque, qui est réellement époustouflante. Nous avons par exemple dû débloquer le moteur qui n'avait pas tourné depuis 35 ans. Mais avec Rolls-Royce, nous arrivons toujours à dévisser les boulons et les écrous, qui sont tous de super qualité. Nous avons pu conserver un grand nombre de pièces d'origine, dont les pistons. Il y a une semaine, ce fut un grand moment d'émotion lorsque nous avons démarré le moteur en petit comité et que ce dernier a démarré au quart de tour ! » nous confie David Twaites avant de poursuivre: « Cette automobile nous a fait vibrer à plusieurs reprises, notamment lorsque nous ne parvenions pas à ouvrir le coffre. Michel et moi, nous avons commencé à spéculer sur son contenu, jusqu'à penser que nous y trouverions peut-être un vieux chapeau de Churchill. Nous avions une imagination débordante. Au final, nous avons fait appel à un spécialiste qui est arrivé avec une caisse à outils digne des grands cambrioleurs, pour nous retrouver devant un coffre totalement vide, ce qui nous a tous fait bien rire » s'amuse-t-il.
Suite à son passage au garage Restocar, la Silver Wraith a entamé fin janvier l'ultime partie de son 'relooking' à Bulle pour des retouches de peinture et la pose du pare-brise. « Une opération délicate qui exige un ajustement tout en finesse, puisque la voiture a été fabriquée à la main et qu'aucune dimension ne correspond à des normes précises » conclut David Twaites. Après plusieurs présentations intimes au garage, la Lady britannique partira conquérir les cœurs des amateurs de belle mécanique aux quatre coins de l'Europe, fière d'avoir retrouvé son lustre d'antan.
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